Les arts et la créativité pour une résilience poétique.

LA SANTÉ MENTALE : ENTRE ÉQUILIBRE, CRÉATIVITÉ ET HUMANITÉ SENSIBLE

Quand l’équilibre de l’âme devient art silencieux. La santé mentale est bien plus qu’un état : c’est un mouvement intime, une respiration intérieure, une manière sensible d’habiter le monde. Elle ne se limite pas à l’absence de trouble, mais s’incarne dans le lien, l’élan, la création, l’écoute de soi.

Marlena Des

5/13/20255 min read

« La psyché est fondamentalement poétique. Elle parle en images. »
James Hillman

« Être vivant, c’est sentir battre l’instant en soi. Ce n’est pas seulement respirer, mais vibrer. »
Marlena Des

Il ne suffit pas de traverser les jours en apnée silencieuse. Être en vie ne signifie pas nécessairement être vivant. La santé mentale, longtemps reléguée au silence ou à la stigmatisation, est aujourd’hui reconnue comme un pilier essentiel de notre humanité. Elle ne se résume pas à l’absence de trouble psychique ; elle incarne notre capacité à ressentir, à créer du lien, à s’adapter, à éprouver de la joie, du chagrin, du désir, et à danser avec ces mouvements de l’âme.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ».
Une vision holistique, qui place l’équilibre émotionnel, les relations humaines et le sens de l’existence au cœur de cette dynamique.

Et si l’art, la créativité, et l’élan poétique faisaient partie intégrante de cette écologie intérieure ? Si la santé mentale était aussi nourrie par ce qui ne se mesure pas, mais se ressent : un chant, un trait de couleur, une parole libératrice, un geste dansé, une œuvre partagée ?

Dans un monde souvent saturé de productivité et de performance, la créativité intervient comme un vent de fraîcheur. Non pas celle qui cherche l’exploit ou la reconnaissance, mais celle qui jaillit du dedans : écrire un poème, modeler une forme sans but, danser dans son salon, peindre un sentiment.

Une définition évolutive et plurielle

La définition de l’OMS, si elle reste pertinente, ne dit pas tout. Elle ne prend pas en compte les dimensions symboliques, existentielles, ou encore sensibles du bien-être psychique. Elle laisse dans l’ombre ce que la philosophie, la poésie et les arts peuvent éclairer.
Comme l’a montré Carl Gustav Jung dans L’homme à la découverte de son âme, notre équilibre intérieur repose souvent sur des images profondes, des archétypes, des symboles que seule une approche sensible peut révéler.

Le sociologue et psychologue Cory Keyes, dans ses travaux sur le flourishing, insiste sur l’idée que la santé mentale n’est pas l’opposé de la maladie mentale, mais un état à part entière :
« L’absence de trouble mental ne signifie pas que l’on est mentalement en bonne santé. Être en bonne santé mentale, c’est s’épanouir, vivre avec sens, entretenir des relations significatives et se sentir capable d’agir. »
— (Keyes, 2002)

Ce que nous disent les recherches scientifiques

  1. Régulation émotionnelle
    Les travaux de James Gross montrent que la capacité à reconnaître, nommer et transformer les émotions permet une meilleure résilience face au stress et aux événements difficiles (Gross, 2014). Réprimer nuit, accueillir transforme.

  2. Relations humaines de qualité
    L’étude longitudinale de Harvard sur le développement adulte, dirigée par Robert Waldinger, révèle que les relations affectives saines sont le facteur n°1 du bonheur à long terme. Ce ne sont ni les succès ni les possessions qui protègent le mieux, mais le lien humain.

  3. Sentiment de sens
    La psychologie existentielle, notamment dans l’œuvre de Viktor Frankl, souligne l’importance du sens pour soutenir la santé mentale. Dans Découvrir un sens à sa vie, il explore comment, même dans les situations extrêmes, l’être humain peut se raccrocher à une lumière intérieure.
    Les recherches modernes en psychologie positive (Steger et al., 2006) confirment que vivre avec un but réduit l’anxiété et renforce l’espoir.

  4. Création artistique et baisse du stress
    Une étude de Kaimal et al. (2016) montre que 45 minutes de pratique artistique libre réduisent significativement les niveaux de cortisol, hormone du stress, quel que soit le niveau d’expérience artistique.

L’art comme langage de l’âme

Créer, c’est réinventer sa manière d’être au monde. L’art devient un refuge, un exutoire, un miroir de l’invisible. Il permet d’exprimer sans mots ce que le langage ne sait pas dire. Il répare sans imposer. Il relie.
Shaun McNiff, pionnier de l’art-thérapie, l’écrivait déjà dans Art as Medicine : l’expression artistique est en elle-même un processus de transformation et de guérison.

Paul Klee écrivait :
« L’art ne reproduit pas le visible. Il rend visible. »

Dans l’approche de l’art-thérapie, ce n’est pas le résultat mais le processus qui compte. Ce moment où la main agit, où les couleurs se mélangent, où la voix s’élève ou le corps bouge pour dire : « Je suis vivant.e. »

La créativité comme hygiène mentale

Soigner sa santé mentale ne passe pas uniquement par une thérapie. C’est aussi une façon d’habiter ses journées autrement. Introduire des pratiques créatives simples peut devenir un rituel de présence à soi :

  • Tenir un journal d’expression libre

  • Écouter de la musique selon ses émotions

  • Peindre sans objectif

  • Écrire des textes courts inspirés du vécu

  • Créer un collage d’intuitions

  • Observer les ombres sur les murs

  • S’asseoir en silence, avec soi-même

Comme le dit Anne Dufourmantelle dans Éloge du risque, il est vital d’oser la rencontre avec soi-même, même dans la vulnérabilité, car c’est là que naît la vraie présence au monde.

Et dans cette exploration intérieure, Clarissa Pinkola Estés, à travers Femmes qui courent avec les loups, nous invite à réveiller cette part sauvage et créatrice qui sommeille en chacun de nous.

Conclusion

La santé mentale est une œuvre intérieure. Elle ne se conquiert pas — elle se cultive.
C’est un jardin invisible, qui demande écoute, présence, symbolisation. Dans ce paysage intime, l’art n’est pas un décor : il est la lumière douce qui permet de continuer à marcher, même dans les saisons sombres.

« Vivre, ce n’est pas attendre que l’orage passe. C’est apprendre à danser sous la pluie. »
(Citation d’auteur incertain, souvent attribuée à Sénèque ou Vivian Greene)

Sources scientifiques

  1. OMS. (2022). Santé mentale : renforcer notre action.

  2. Keyes, C. L. M. (2002). The mental health continuum: From languishing to flourishing in life. Journal of Health and Social Behavior, 43(2), 207–222.

  3. Gross, J. J. (2014). Emotion regulation: Conceptual and empirical foundations. In J. J. Gross (Ed.), Handbook of emotion regulation (2nd ed.).

  4. Kaimal, G., Ray, K., & Muniz, J. (2016). Reduction of Cortisol Levels and Participants’ Responses Following Art Making. Art Therapy, 33(2).

  5. Steger, M. F., et al. (2006). Understanding the search for meaning in life. Journal of Personality, 76(2).

  6. Waldinger, R. (2016). What makes a good life? Lessons from the longest study on happiness. TED Talk.

Suggestions de lecture

  • Viktor Frankl, Découvrir un sens à sa vie

  • Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups

  • Carl Gustav Jung, L’homme à la découverte de son âme

  • Anne Dufourmantelle, Éloge du risque

  • Shaun McNiff, Art as Medicine

  • James Hillman, Re-Visioning Psychology